"On a déjà croisé la route de Livio. À l'époque, il inaugurait magistralement le label Enfance avec la bande-son de son court-métrage Alea. Avec le recul, nous avons eu de la chance puisque la musique du Parisien a l'élégance et l'impertinence de se faire rare. C'était il y a une éternité, c'était en 2012. Il donnait alors entendre cette musique en forme de drap de soie, brillante et suave, de laquelle émanait la douce odeur de naphtaline récupérée sur les disques de Goblin, François de Roubaix ou Ennio Morricone. Ce même héritage et ce même savoir-faire se retrouve dans Odysseas. C'est pas vraiment étonnant, il est issu du même cycle.

Avec Odysseas, Livio Mosca créé la bande-son d'un film qui n'existe pas. Composée en 2009, il lui a fallu quasiment dix ans pour comprendre que ce film n'avait pas raison d'être, que la musique pouvait sortir telle quelle. Qu'elle devait être et vivre pour elle-même. Qu'elle racontait mieux que n'importe quelle image l'histoire qu'il avait en tête. C'est ici que le travail de Livio Mosca est remarquable. Il semble - on ne sait comment - qu'il ait réussi à récupérer le mystérieux pouvoir des anciens, ceux dont il vénérait la musique qui accompagnait les western spaghetti de son enfance, ceux qui lui racontaient une autre histoire que ce qu'il voyait à l'écran. Pour Livio Mosca, comme pour ses aïeuls Piero Piccioni et autres Bruno Nicolai, la musique est en art de la narration, une étincelle qui doit enflammer l'imaginaire. À ce titre là, avec Odysseas le parisien joue du lance-flamme.

Livio Mosca nous affirme qu'il s'agit du souvenir d'un vieux conte que lui lisait sa mère, quand il était encore enfant. Une œuvre dont il ne connait plus l'auteur, dont il ne connait pas le titre. On fera semblant de le croire. Odysseas est ainsi l'histoire d'un homme qui tombe au fond de l'eau, y est recueilli par des sirènes, puis doit fuir pour se retrouver dieu à la surface, manquer d'être sacrifié et rejoindre enfin les astres. Une occasion pour le musicien de faire couler dans nos oreilles ébahies les différents langages maîtrisés par lui. Ambiance onirique, texture aquatique, mélodie astrale, Livio Mosca ne s'émeut pas des changements de rythme et dompte ce parcours sinueux d'autant plus facilement qu'il se l'est créé sur mesure.

Odysseas nous donne autant de joie qu'il ne nous laisse triste. Comme de ses précédentes sorties, le talent de Livio Mosca s'échappe de toutes parts et éclabousse un auditeur qui en redemande. Et comme pour ses précédentes sorties, il nous fait regretter la rareté d'un artiste qui manque singulièrement à la scène française de ces jours."

Texte : Maxime Gueugneau